Avec tant de références de textes, de livres, de manuels, de cours, de leçons… on commence à croire qu'il existe une formule secrète, une recette magique pour écrire. Le livre doit avoir du sens, les personnages doivent s'inspirer d'archétypes, il faut diviser l'histoire en trois actes, conflit, chaos, rupture, réconciliation, chaque chapitre doit avoir une accroche pour garder le lecteur, pour qu’il dévore ton livre…
Les règles sont infinies. Mais la vérité est qu’un livre est une œuvre d'art. C'est une expression et un partage d'idées, de moments. C'est essayer de toucher l'autre, de lui faire ressentir quelque chose, c'est exposer, exprimer, guérir, transformer, transmuter… Et l'art n'a pas (ou du moins ne devrait pas avoir) de manuel à suivre.
Je ne dis pas que c'est juste de l'instinct. Il y a une technique et une réflexion consciente derrière chaque création. Cependant, pour que la magie opère, il faut plonger dans l'océan des possibilités et permettre l'expérimentation. Fais des chapitres courts, ne décris pas tes personnages, change la ponctuation, fais un livre de 10 pages ou de cinq mille… bref… Permets-toi de vivre l'écriture comme elle te convient au moment de la création, pour ensuite essayer – avec du recul et une vision distanciée – de donner forme à cette œuvre. L'acte d'écrire comme si on suivait la recette qui vient dans le paquet de gâteau acheté au supermarché est ce qui nous empêche de mélanger les ingrédients et de nous surprendre avec un goût complètement différent : notre propre recette.
Ce type de blocage créatif vient du même univers que les autres blocages créatifs : l'école. L'école de la société actuelle – du moins les traditionnelles – nous apprend qu'il y a une bonne et une mauvaise façon de faire les choses. Même dans un examen de mathématiques, l'élève doit résoudre l'exercice selon la méthode expliquée par le professeur, invalidant d'autres méthodes (dont nous n'avons souvent même pas connaissance). L'école nous enseigne à chercher la vérité, une seule vérité. Et dans cette quête intense de la vérité unique, nous perdons la chance de trouver notre propre vérité.
Ne te désespère pas, cette question du blocage créatif est visible à tous les âges, dès trois ans. Et elle nous accompagne pendant une grande partie de notre adolescence et est complètement enracinée dans notre vie adulte. Mais il y a de la lumière au bout du tunnel. Savoir comment fonctionne un blocage créatif, qui est en quelque sorte la recherche de ces réponses correctes et la peur de se tromper, la peur de ne pas être suffisant, accompagnée d'une faible confiance en soi (que la société motive également); nous permet aussi de trouver la clé pour en sortir.
Conscient de ces questions, le chemin vers le déblocage devient plus facile :
Continue, même sans certitude, elle viendra plus tard, comme tout dans la vie.
Permets-toi d'essayer, d'explorer, d'expérimenter, de jouer, de changer. Et surtout, comme disait ma mère : Il n'y a rien dans la vie que nous ne puissions arranger.
Autrement dit, même si ton livre semble complètement incohérent au premier jet, il est toujours possible de connecter les pièces et de produire un résultat (ce qui apaise notre anxiété et la peur de perdre du temps, causées par une société qui demande un excès de production et de précision à chaque instant). Alors respire, et continue à écrire, tu fais du bon travail. Et quand l'anxiété frappe, souviens-toi : écrire n'est pas un manuel. Teste. Si ça ne marche pas, teste à nouveau. Et bonne écriture.
ECHO - NUMERO 5 et APPEL À TEXTES
Chers lecteurs et écrivains,
Nous sommes heureuses de partager avec vous la cinquième édition d'Oito ou 80. Dans ce numéro, nous nous sommes inspirées de ce qui se trouve au-delà du voile. C'est presque drôle et une coïncidence - et existent-elles vraiment ? Après cette édition, je n'en suis plus certain - qu'ECHO sorte en même temps que ce texte parlant de l'écriture ne pas être un manuel. C'est parce que nous avons permis exactement le contraire d'un manuel dans notre processus, en misant sur la chance, le hasard, le mystique, de sorte que nos textes soient touchés et tissés les uns par les autres de manière totalement surprenante.
Je cite ici une partie de l'éditorial écrit par Aele Dee :
“Nous essayons souvent de nous focaliser sur un aspect, sur un sens pour en dégager le plus de détails et de précision possible, mais le simple aller-retour du regard, le voyage d'un sens à l'autre peut laisser apparaître l'épaisseur des strates qui forment le début d'une histoire. Écrire juste c'est aussi réussir à étendre la périphérie de sa vision.
Dans la périphérie il y a tous les possibles, y compris ceux contre lesquels on lutte, avec de simples mots, mais avec la patience de la poésie, le tranchant de sa traduction du monde. Et dans les bruits du monde, l'écho est une relation au temps. Le temps de recevoir, d’accueillir et synthétiser dans notre mémoire l'intensité de l'écho. Les mots peuvent rendre justice à l'aspect versatile du monde.”
Respirez profondément et laissez les esprits vous guider.
Appel à textes
Et pour ceux qui désirent un petit projet d'été, nous avons ouvert un appel à textes, inspiré par l'éphémérité de cette période que j'attends personnellement toute l'année.
Vous pouvez envoyer votre texte au format .doc jusqu'au 15 septembre à OitoOu80revue@gmail.com. Les textes sélectionnés seront publiés dans la prochaine édition et certains extraits pourraient également être choisis pour être partagés sur notre page Instagram @oitoou80revue.
Les cigales sont arrivées, pouvez-vous les entendre ? Elles sont là, chantant joyeusement, célébrant l'arrivée de l'été, parmi les rires joyeux des mouettes, les cris stridents des enfants, le crissement que le sable fait sous nos pas, le murmure de la mer et le crépitement du feu à la lumière des étoiles lors d'une nuit de camping.
En été, tout s'arrête, nous invitant à admirer les détails à travers les couleurs vibrantes des maillots de bain et des fleurs. Nous mettons la vie en pause, en veille contre les soucis du monde, car l'été n'attend pas. Il porte, il nous emporte, il nous guide. Et nous sommes entraînés par cette force plus grande, faite de chaleur et de vie. Les tons s'intensifient, les sons s'amplifient, le paysage change.
De quoi est fait l'été ? De quel sons, saveurs, expériences nous nous nourrissons en ce moment de suspension, où seuls les rêves ont leur place ? La musique de l'été n'est pas seulement dans les accords d'une chanson, mais dans l'harmonie des petites choses qui nous entourent.
Ralentir. L'été nous enseigne que nous n'avons pas besoin de nous éloigner du monde pour trouver la paix. Nous pouvons trouver la sérénité dans un jardin ensoleillé, dans un livre lu à l'ombre d'un arbre, dans une plongée rafraîchissante dans des eaux cristallines. L'été nous invite à laisser libre cours à la forme, à expérimenter non seulement dans la réflexion du texte, mais aussi dans la manière dont nous exprimons nos expériences. Listes, poèmes, nouvelles - toutes les formes sont valides pour capturer l'essence éphémère et vibrante de l'été.
Laissez-vous captiver par les mouvements de l'été, par les bruits qui résonnent et par les silences qui respirent. Dans un monde qui ne cesse de tourner, l'été nous rappelle parfois que tout ce que nous avons à faire est de nous arrêter, d'écouter et simplement d'être.
Samantha Chuva
Oito ou 80
Oito ou 80 est une revue où se mélange les genres et les langues, dans un esprit de recherche, d'expérimentation et de joie. Elle contient des poèmes, des réflexions, des lettres, des dialogues. Co-création de Samantha Chuva et Elea Terodde
Merci ! Vous avez infiniment raison sur ce sujet ! Quand je vois des gens décrire la création d'une œuvre comme une simple recette de cuisine, j'avoue que ça me fend toujours le cœur, parce que l'écriture (et toute forme d'expression artistique) est supposée être tellement plus que ça !